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Patrons de départements chez CBRE France (1 400 collaborateurs) – filiale du leader mondial du conseil en immobilier d'entreprise –, Grégoire de la Ferté (directeur Bureaux IDF) et Amandine Dumont (directrice conseil aux entreprises) décryptent l'état du marché tertiaire heurté par la crise sanitaire.
Le Point : Qu'a changé l'épidémie de coronavirus dans votre organisation interne ?
Grégoire de la Ferté : Dès la mise en œuvre du plan de confinement, CBRE France a basculé 100 % de ses collaborateurs en télétravail. Nous travaillons donc à distance grâce à des outils numériques, tels que Zoom, Klaxoon, Microsoft Teams, etc. Nous organisons quotidiennement des réunions virtuelles permettant de garder le lien entre les membres des différentes équipes, ainsi qu'avec la direction générale du groupe. Au premier trimestre 2020, le marché immobilier tertiaire a comptabilisé 40 % de transactions en moins qu'un an auparavant. Ce recul significatif résulte d'un très mauvais cocktail : Gilets jaunes en janvier, grèves des transports en février et, pour finir, l'épidémie de Covid-19 au mois de mars ! Des opérations de moyennes et grandes superficies continuent de se réaliser, mais à un rythme fortement ralenti. La météo est beaucoup plus maussade pour les transactions de petite taille (jusqu'à 1 000 mètres carrés), qui obéissent à des prises de décision plus rapides. Faute de visibilité en cette période de crise économique, les sociétés ne se pressent pas pour passer à l'acte.L'apprentissage forcé du télétravail va-t-il modifier les choix futurs des locataires de bureaux ?
Amandine Dumont : Le Covid-19 a fait office d'accélérateur de l'expérience du télétravail. Les entreprises qui, bon gré, mal gré, ont dû revoir complètement leur organisation en passant, lorsque c'était possible, au travail à distance, ont fait un triple constat. Non seulement le « home office » est possible, mais les directions immobilières des sociétés ont vu que la mise en œuvre de cette solution n'était pas aussi difficile qu'elles auraient pu l'imaginer. Dans le même temps, ce mode de travail a aussi montré des limites techniques et d'ordre social. Tout d'abord, des outils numériques et des espaces de travail « maison », pas toujours adaptés aux besoins : connexion Internet peu performante, matériel insuffisant, manque d'espace, absence d'ergonomie du bureau, etc. Ensuite, le télétravail à temps complet génère un manque de lien social important. Cette contrainte majeure peut nuire à la dynamique d'une équipe, et, plus globalement, au sentiment d'appartenance à l'entreprise.Lire aussi Covid-19 : « La métamorphose des bureaux est en marche »
Ce mode de travail externalisé va-t-il s'accélérer dans le futur ?
Grégoire de la Ferté : La demande pour un recours au télétravail devrait se renforcer après la période de confinement, particulièrement au sein des entreprises où cette pratique était encore mineure. Toutefois, ce mode de travail restera, notamment du fait des limites dévoilées par ce test grandeur nature, une solution complémentaire au travail classique. Il est trop tôt pour dire si les sociétés vont brutalement réduire la voilure de leur surface achetée ou louée. Mais les directions immobilières des grandes entreprises ont pris en considération que télétravailler un ou deux jours par semaine était peut-être la solution pour réduire certains coûts fixes et accorder une plus grande autonomie au personnel.
Lire aussi Covid-19 : le télétravail, c'est la santé ?
Quels obstacles peuvent freiner cette mini-révolution tertiaire ?
Amandine Dumont : Les collaborateurs des entreprises sont plutôt demandeurs de télétravail, mais cela passe au préalable par une mise à jour des accords d'entreprise. Ces dernières doivent combiner la responsabilisation du salarié avec sa nouvelle prise d'autonomie. Par ailleurs, le pilotage individuel des collaborateurs est plus global. Des études ont montré que deux ou trois jours de télétravail par semaine avaient des effets bénéfiques. Au-delà, c'est plus difficile, du fait notamment des interactions sociales indispensables à la vie de l'entreprise et de l'être humain. Les jeunes générations ont moins de difficulté que leurs aînés à composer avec les nouveaux modes de travail : « flex office » (sans bureaux attitrés), « coworking » et « proworking », « home office ». Toujours est-il que les départements informatiques des grandes sociétés (IT) ont d'ores et déjà pris en considération le besoin d'augmenter la puissance des infrastructures de leurs réseaux numériques. Ceci afin de fluidifier et de renforcer l'accès à distance des outils et données de l'entreprise. C'est un signe qui ne trompe pas.