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Bail commercial : non-respect de la destination du bien loué et absence de manquement grave aux obligations du preneur
Le contrat de bail commercial peut comporter une clause de destination. Il s’agit d’une disposition qui précise l’usage auquel est destiné le local loué. La clause peut limiter l’usage du bien loué à une ou plusieurs activités déterminées ou bien autoriser l’exercice de tous commerces. Quoi qu’il en soit, les parties doivent être vigilantes lors de la rédaction de la clause, car le preneur est tenu de respecter scrupuleusement la destination du bail. En effet, selon l’article 1728 du Code civil, applicable au bail commercial, le locataire doit user raisonnablement du local loué, conformément à la destination convenue dans le contrat de bail ou, à défaut de clause de destination, suivant la destination présumée d’après les circonstances. En plus de respecter la destination du bien loué, le preneur ne peut pas modifier la destination sans en informer le bailleur. En cas de non-respect de la destination du bien loué, ou de modification de la destination du bien loué sans avoir prévenu le bailleur, le locataire s’expose au refus de renouvellement du bail sans indemnité d’éviction ou encore à la résiliation du bail. Concernant la résiliation, le juge la prononce seulement si le non-respect de la destination du bien loué constitue un manquement suffisamment grave de la part du locataire. La Cour de cassation a rendu une décision récente à ce sujet.
Dans cette affaire, un contrat de bail commercial a été signé entre une SCI et un locataire. Le local loué se compose d’un magasin avec une vitrine donnant sur la rue et destiné à accueillir une galerie d’art et d’une annexe qui constitue un atelier d’encadrement. Plusieurs années après la conclusion du bail, le bailleur sollicite la résiliation du contrat de bail, car elle considère que le locataire a violé la clause de destination insérée au contrat. En effet, selon le bailleur, le locataire utilisait une large partie du local comme une surface commerciale puisque l’atelier d’encadrement était ouvert au public et que le locataire organisait des expositions à des fins de vente. Pour la SCI bailleresse, ce changement de destination est irrégulier et constitue un manquement grave aux obligations contractuelles du preneur qui justifie la résiliation du bail.
Malheureusement, le juge ne donne pas raison au bailleur. Dans une décision rendue le 8 juin 2023, la Cour de cassation considère que le bailleur ne rapporte pas la preuve d’un manquement suffisamment grave pour justifier la résiliation du bail. En effet, un constat d’huissier montrait que le rez-de-chaussée de l’atelier était divisé par plusieurs cloisons. D’après ce constat, une partie de l’atelier était certes ouverte au public afin d’exposer des œuvres destinées à la vente. Cependant, toujours selon le constat d’huissier, l’activité d’encadrement, prévue au contrat de bail, était bien maintenue dans une autre partie de l’atelier. D’ailleurs, un ouvrier encadreur était présent lors de la venue de l’huissier. Par ailleurs, le rapport d’huissier montre que l’affectation d’une partie de l’atelier à un usage d’exposition à la vente était connue du bailleur, car il avait déterminé le loyer mensuel en tenant compte de cet aménagement. En définitive, puisque le bailleur n'a pas réussi à prouver le manquement suffisamment grave, le contrat de bail commercial ne peut pas être résilié.
En conclusion, le bail commercial peut être résilié en cas de non-respect de la clause de destination du bail. Mais encore faut-il prouver un manquement suffisamment grave du preneur. Par ailleurs, les parties doivent être vigilantes lors de la rédaction de la clause de destination. Plus celle-ci est précise et détaillée, plus le manquement grave du preneur pourra être caractérisé en cas de changement de destination du bien loué.