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Baux commerciaux et état d’urgence sanitaire
Le 30 juin 2022, la Cour de cassation a rendu plusieurs décisions à l’occasion desquelles elle s’est prononcée sur le bien-fondé de la suspension du paiement de leur loyer par des commerçants pendant l’état d’urgence sanitaire.
Baux commerciaux
Le 30 juin 2022, la Cour de cassation a rendu plusieurs décisions à l’occasion desquelles elle s’est prononcée sur le bien-fondé de la suspension du paiement de leur loyer par des commerçants pendant l’état d’urgence sanitaire.
Apparu dans la province chinoise de Wuhan à la fin de l’année 2019, le coronavirus (covid-19) a rapidement dépassé les frontières pour devenir une épidémie mondiale marquant l’année 2020. À cette occasion, de nombreux gouvernements ont pris un ensemble de mesures visant à restreindre les contacts humains et les déplacements afin de freiner la propagation du virus. En France, l’état d’urgence sanitaire a été déclaré à partir du 23 mars 2020 sur l’ensemble du territoire national et la population fait l’objet d’une mesure de confinement total : les français ont été interdits de quitter leur domicile sauf pour effectuer, entre autres, des achats de première nécessité ou de fournitures nécessaires à l’activité professionnelle. Les commerces dont l’activité est jugée non indispensable à la vie de la Nation et dont l’offre de biens ou de services n’est pas de première nécessité ont, quant à eux, été interdits de recevoir du public. Ainsi, près de 45 % des établissements de commerce de détail ont été fermés durant la crise.
Contraints suspendre leur activité, du moins « physique », de nombreux commerçants ont fait le choix de ne plus payer leurs loyers et leurs charges. Leurs bailleurs ont donc saisi la justice pour obtenir le paiement des sommes dues. Selon une note du ministère de l’économie, des finances et de la relance, le montant total des loyers et charges immobilisés est estimé à près de 3 milliards d’euros.
La question posée aux juges était la suivante : les commerçants interdits d’accueillir du public lors du premier confinement allant du 17 mars au 10 mai 2020 étaient-ils en droit de ne pas payer leurs loyers ?
Trois arguments ont été avancés par les locataires commerçants.
D’abord, ils ont considéré que l’interdiction de recevoir du public pendant la période de crise sanitaire était assimilée à une perte de la chose louée, c’est-à-dire du local, selon l’article 1722 du Code civil (https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006442802). Ce texte précise, en effet, que si le local loué est détruit pendant la durée du bail, le preneur peut notamment demander une réduction du loyer.
Ensuite, les preneurs ont estimé que l’interdiction de recevoir du public correspondait à une inexécution de l’obligation de mettre le local loué à disposition par le bailleur.
Enfin, les locataires ont invoqué la force majeure. L’article 1218 du Code civil prévoit qu’en cas de force majeure, celui qui doit remplir une obligation n’est pas tenu de le faire.
Malheureusement pour les locataires, les juges de la Cour de cassation ont rejeté tous leurs arguments.
Premièrement, les juges ont considéré que l’interdiction de recevoir du public pendant le confinement du printemps 2020 ne pouvait être assimilée à une perte du local loué selon l’article 1722 du Code civil.
Deuxièmement, ils ont estimé que cette interdiction ne constituait pas une inexécution par le bailleur de son obligation de mettre à disposition le local commercial.
Troisièmement, les juges rappellent que la force majeure ne peut être invoquée par le créancier qui n’a pas pu profiter de la contrepartie à laquelle il avait droit.
Pour toutes ces raisons, les commerçants n’étaient donc pas en droit de suspendre l’exécution de leurs loyers et de leurs charges, ni de demander une réduction des sommes dues.
En conclusion, ce qu’il faut retenir de ces décisions est que les mesures prises par les autorités publiques dans le cadre de l’urgence sanitaire n’écartent pas l’application du droit des contrats.